LUNDI 30 NOVEMBRE 2015
Publié sur Paris-Luttes.info
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Il est midi lorsque nous arrivons sur la place de la République et rien ne laisse présager le tournant que prendra cette manifestation dans quelques heures. Il n’y a pas grand monde, chacun vaque à ses occupations respectives : les uns entassant des chaussures chargées de manifester à la place de leurs propriétaires, les autres partant vers la chaîne humaine, d’autres encore buvant un thè ou cassant la croûte. Quelques militants sont regroupés autour d’une banderole tenue par les organisations libertaires (AL, CGA...) qui donnent de la voix. On peut même trouver un groupe de Japonais suffisamment déterminés à lutter contre le nucléaire pour venir jusqu’ici, en plein état d’urgence.
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Une chose est sûre :
il y a des flics partout, plus d’une centaine de camionnettes entourent la
place et pas seulement des playmobils antiémeute. Enormément de flics
en civil sont disséminés dans la foule, la pesanteur de l’état d’urgence se
fait bien ressentir... Impuissance du tas de chaussures, impuissance de la
foule clairsemée, éclatée et surveillée. Il règne une sorte de flottement,
chacun sachant les raisons pour lesquelles il est venu mais n’ayant aucune idée
de la forme que vont prendre les choses. L’installation des cantines qui
distribuent des super repas à prix libre permet de détendre provisoirement
l’atmosphère. On s’assoit par terre, on se restaure, on prend des
forces pour la suite.
Pendant ce temps, malgré
l’interdiction et malgré la militarisation, la foule continue de grossir.
Nombre de participants à l’éphémère chaîne humaine sont revenus, un peu
frustrés. Quelques petits cortèges se forment, commençant à encourager les gens
à manifester. Un peu avant 14h, un mouvement un peu sérieux commence à se faire en
direction du boulevard Magenta, et la foule, qui s’ennuie manifestement sur la
place de la République, se met progressivement en marche, s’intégrant au cortège
en cours de constitution.
La place est déjà bloquée à
toutes ses issues, nous commençons donc par marcher sur son pourtour
jusqu’alors laissé ouvert au trafic automobile. Etrange cortège qui se met en branle et
tourne autour de la place, et donc autour de la République, manifestant en rond
et en vain sans parvenir à trouver une issue. Dès 14h, nous nous retrouvons
absolument nassés. Impossible de quitter la place par les rues adjacentes, les
sorties de métro sont elles aussi fermées à la demande de la pref. Voilà donc ceux et celles qui ont bravé l’état d’urgence, enfermés
dehors. Nous scandons des slogans contre la COP21 et son monde étouffant,
contre l’état d’urgence qui s’abat sur nous, contre la police qui, quand elle
ne nous "protégeait" pas encore, assassinait Rémi Fraisse, perpétrait
des crimes racistes.
"Si on ne
marche pas, ça ne marchera pas", "police partout, justice nulle
part", "état d’urgence, État policier, on ne nous empêchera pas de
manifester" ou encore le très
sobre "liberté, liberté !" sont repris avec
force.
Après avoir fait face aux
barrages de CRS situés à l’entrée du boulevard Saint-Martin, de la rue du
Temple, du boulevard du Temple et du boulevard Voltaire, nous nous engouffrons
dans l’ouverture de l’avenue de la République, pas pour longtemps. La ligne de CRS est
présente là aussi. Dans un premier temps les manifestants tentent de passer
pacifiquement. Au bout de quelques secondes tout le monde est aspergé par des
gazeuses.
Après une bonne dizaine de
minutes de "contact" où certains et certaines essayent de déborder la
ligne de CRS, les flics commencent à taper plus fort et à re-gazer abondamment
les premiers rangs. Nous finissons par refluer sur la place, et c’est reparti
pour un tour.
Rue du Faubourg du Temple, boulevard Magenta... Toujours à quelques
milliers, dans une ambiance plutôt déterminée et joyeuse : on manifeste,
malgré leur interdiction minable, nous les défions, sur cette place censée
incarner la citoyenneté et l’unité nationale. Convaincus que nos idées sont
importantes, qu’elles méritent d’être défendues en dépit de l’injonction venue
d’en haut de nous regrouper autour de valeurs supposées communes. Nous sommes
là pour dire nous ne voulons pas de leur protection, que nous n’approuvons pas
leur déferlement sécuritaire, la répression des composantes les plus faibles et
discriminées de la population. Pas de trêve entre nous et l’Etat ! Pas de
complaisance envers le cirque de la COP21, la destruction concertée et mesurée
du monde. Nous l’avions déjà dit il y a longtemps : la COP sera
sociale ou ne sera pas !
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Quelques bougies volent accompagnées de leurs bocaux en verre. Il ne
faut pas y voir une marque d’irrespect envers les victimes du 13 novembre, nous
sommes nombreux à trouver que le drapeau tricolore et l’état d’urgence
insultent bien plus leur mémoire.
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S’étant rendus maîtres de l’espace, les flics font ce qu’ils veulent.
Ils mattraquent à tout va, saccagent les fameuses bougies devant la statue de
la République et mettent en nasse plusieurs centaines de personnes. Il y en
aura deux : l’une à l’entrée de la rue du Faubourg du Temple, l’autre sur
la place au niveau du Boulevard Magenta.
Les flics piétinent le mémorial place
de la République
La plupart des copains énervés ont fait cramer leurs déguisements noirs
dans une poubelle et au pied d’un arbre avant de se disperser et de quitter la
place. Les deux jolis feux de joie sont bientôt éteints par les bleus. Restent
les clowns, les pacifistes, les acrobates et pas mal d’entre nous qui, bien
qu’encerclés, constatent que l’ambiance s’est un peu détendue. Les deux groupes
nassés sont séparés, les chants rebondissent d’un côté et de l’autre, plutôt
bon enfant. On se fout de la gueule des flics, l’attroupement prend des allures
de spectacle de rue. Peu à peu ils resserrent la zone, les coups de matraques
dans la tête, les gens traînés par terre, le gazage directement dans leurs yeux
rappellent aux pacifistes assis sur le pavé qu’un CRS est toujours partant pour
nous casser la gueule.
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Gageons que cette énergie reste vivante
dans les semaines et les mois à venir.
Ne nous
leurrons pas : nous avons réussi à manifester, de diverses manières, mais
nous n’avons certainement pas enrayé le programme en cours d’élaboration
pendant cette conférence climatique, dont les objectifs actuels, 2C° de
réchauffement "seulement", stupidement criminels pour des millions
d’êtres humains, ne seront pas même atteints. Programme délirant comprenant la
promotion de solutions énergétiques de remplacement ultra dangereuses comme le
nucléaire, des mesures d’apprentis-sorciers envisagées telles que la
géo-ingéniérie mais (évidemment !) une absence totale de remise en cause
de la principale cause du changement climatique, la croissance industrielle
infinie exigée par le capitalisme pour sa propre survie.
Les critiques
qui ne manqueront pas de pleuvoir sur la supposée irresponsabilité des
manifestants radicaux ne contribueront qu’à masquer davantage à quel point
cette radicalité se place en-dessous de ce qu’une telle situation appellerait
comme réactions de notre part. De cette journée du 29, il faut surtout retenir
ce message : nous sommes déterminés à lutter, quels que soient les
obstacles qui viendront entraver notre route. Reste à répondre à cette
question, toujours en suspens : comment lutter ?
Des membres de l’automédia de l’AG
antiCOP21
PS : à l’heure où cet article est
publié (le 30 novembre), la police fait état pour la seule journée du 29
novembre de 341 interpellations, dont 317 suivies d’une garde-à-vue.
P.-S.
Lire aussi le communiqué du collectif de soutien aux manifestant-es ainsi
que le suivi de la journée et de ses suites
Publié par La Cause du Peuple
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